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PARTI SOCIALISTE Section de Lagny sur Marne

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Sur le canton de Lagny sur Marne, nos objectifs sont de développer des projets sociaux, protéger notre cadre de vie et être à votre écoute.


Repenser notre système éducatif

Publié par PS LAGNY & VILLAGES sur 5 Mai 2016, 15:36pm

Catégories : #Textes Débat

Repenser notre système éducatif

 

Pour une éducation tout au long de la vie articulant formation initiale et formation continue1


Introduction


Poser la question du comment mieux vivre ensemble oblige notamment à analyser et repenser notre système éducatif ; mais, tenter de comprendre l'actuelle profonde crise de la formation initiale sans la relier à celle de la formation continue des adultes, reviendrait à chercher nos clés sous le réverbère2; il serait tout aussi vain d'interroger l'évolution à moyen-long terme de la première sans l'articuler à celle de la seconde ; tant il est clair que l'acquisition préalable par tou(te)s les citoyen(ne)s d'une bonne maîtrise des outils et méthodes d'accès à la connaissance au sein d'une formation initiale apaisée et non discriminante, devra accompagner le déploiement d'une nouvelle formation des adultes enfin réellement continue et ouverte à tou(te)s, capable de venir à bout de la complexité et de l'ampleur des défis que devra relever l'humanité au 21ème siècle.

Une définition de l'éducation tout au long de la vie, vue comme sur-ensemble de ces deux phases de formation initiale et continue, a été proposée par l'UNESCO en 19963 ; mais cette expression ne pourra prétendre (sans abus de langage) qualifier l'ensemble de notre système éducatif que lorsque celui-ci offrira réellement à chaque citoyen(ne), tout au long de sa vie, sans interruption autre que volontaire, à son rythme et sans aucun frein administratif, un ensemble d'articulations efficaces et motivantes entre les différents acteurs, lieux, contenus, méthodes et formes d'apprentissage, et sera capable d'écarter toute discrimination autre que celle fondée sur la plus ou moins grande volonté d'apprendre, de comprendre et de débattre, afin de mieux coopérer, vivre et agir ensemble.


Nous tâcherons donc ici, dans une approche globale (formations initiale et continue, et leur articulation) limitée à l'essentiel, de dresser l'état des lieux du système éducatif (1ère partie), puis d'en déduire pour celui-ci un scénario d'avenir audacieux mais atteignable (2ème partie).
                                          
État des lieux de notre actuel système éducatif


De la 3ème République jusqu'à la fin du 20ème siècle, notre système éducatif a subi diverses influences socioéconomiques, technologiques, politiques, idéologiques…, notamment :

1. La durée hebdomadaire du travail salarié4, des temps de transport, du travail domestique… qui demandait des efforts surhumains aux salariés souhaitant continuer (ou reprendre) des études approfondies ; sauf, bien sûr, pour les intellectuels de métier, dont l'environnement professionnel et la fonction prévoyaient qu'ils améliorent sans cesse leurs connaissances, au moins dans leur domaine de compétence ; et ceci dans différents contextes politiques.


2. Il était par ailleurs difficile aux actifs relativement éloignés des métiers intellectuels, de trouver des informations fiables sur les auteurs, ouvrages, formations… dans les domaines qu'ils désiraient explorer ou approfondir ; malgré les progrès d'Internet dans les dernières années du 20ème siècle, sa lenteur, sa faible qualité d'affichage écran et d'impression papier, restaient des freins à son utilisation plus large au profit de la formation des adultes.


3. Quelques préjugés ont également joué en faveur de la formation initiale, notamment celui prétendant que les apprentissages sont bien plus lents et difficiles à l'âge adulte : en effet, la vulgarisation des recherches sur le cerveau a longtemps présenté la quantité de neurones acquise à la naissance comme ne pouvant ensuite que diminuer, négligeant le rôle joué par les synapses et l'apparition de nouveaux neurones après la naissance.

Ces contraintes historiques, parmi d'autres, ont fondé l'actuelle priorité donnée à la formation initiale sur celle des adultes. Malgré la démocratisation-massification5 de l'enseignement public à l'origine de l'élévation du niveau moyen des connaissances et compétences de la population, cette formation initiale a maintenu la reproduction sociale des élites6 par le biais d'une sélection trop précoce et d'une orientation-sanction des jeunes les moins préparés à l'apprentissage conceptuel 7, vers des métiers et catégories sociales dont ils ont ensuite du mal à sortir ; reproduction maintenue non sans quelques exceptions individuelles venant nourrir l'idéologie méritocratique succédant à celle de l'élitisme républicain. La réforme du collège unique, dans le dernier quart du 20ème siècle, n'a pas réussi à s'opposer à cette reproduction. L'inflation des connaissances et compétences demandées aux adultes, venant régulièrement alourdir les programmes de la formation initiale des jeunes, n'a fait qu'accroitre la charge de travail, la pression compétitive et le décrochage scolaire de ces jeunes 8.
                                         
La formation des adultes, elle, est longtemps restée la portion congrue du système éducatif et, après les lois des années 70, s'est développée essentiellement comme formation prise sur le temps de travail (et de chômage), financée et contrôlée en grande partie par les employeurs et l'État 9. De ce fait, elle se condamnait à rester sporadique, discontinue et au seul service des intérêts à court terme des entreprises et administrations. Outre ces limites institutionnelles, les chiffres montrent aujourd'hui que ce sont les adultes déjà munis de bons diplômes qui en profitent le plus 10, ce qui renforce au lieu de la réduire, la reproduction sociale des élites. Les projets de réforme les plus récents 11, s'ils aboutissent, freineront peut-être la tendance, mais buteront forcément sur les limites budgétaires et horaires des formations en cours d'emploi, dont la philosophie reste marquée par les lois votées dans les années 70, dans un contexte très différent de celui qui est le nôtre aujourd'hui.


Quant à l'articulation des formations initiale et continue, elle a brillé pour l'instant par son absence, la formation des adultes étant tantôt reléguée au rang de palliatif aux échecs de la formation initiale 12, tantôt limitée au simple rôle de complément 13. Elle n'a jamais été pensée comme formation régulière de tous les adultes, tout le reste de leur vie, après un enseignement initial conçu pour servir de marchepied à la formation continuée de tous les citoyens.

Ces constatations nous mènent à penser que l'actuel système éducatif s'achemine lentement mais sûrement vers une triple impasse :

1. Impasse sociale : le modèle méritocratique d'égalité des chances appliqué à une formation initiale de jeunes possédant l'égalité des droits, sans égalité des moyens (héritage socioculturel, conditions de revenus, d'habitat, d'aide à domicile…), n'est plus compatible avec l'évolution démographique des populations à former. Trop et trop tôt sélectif…14, il creuse et fige au lieu de les réduire, les hiérarchies scolaires qui fondent encore lourdement les hiérarchies sociales 15. Il s'enferme (souvent à son corps défendant) dans un piège élitiste : refusant d'en rabattre sur les exigences de la formation initiale (dans l'espoir louable de donner au plus grand nombre un maximum de chances de réussite), il ne sait plus que faire ensuite du nombre croissant de jeunes laissés pour compte par ces exigences, victimes d'une orientation-sanction qui les culpabilise, les humilie et les décourage.

2. Impasse psychologique : en France, la pression compétitive et la sélection trop précoce plongent plus de la moitié des élèves du secondaire dans une forte angoisse scolaire 16 qui se transforme, en cas d'échec, en culpabilité, dépressions, ressentiments…, et leur cortèges         de conduites à risque intériorisées (addictions au tabac, cannabis, alcool…, tentatives de suicide) et/ou extériorisées (incivilités, violences, délinquance…). Le corps enseignant luimême est victime d'un profond désenchantement 17 que ne parvient plus à combattre l'héroïque résistance des innovateurs. Le reste de la population souffre aussi, en tant que parents souvent en conflit avec leurs enfants à cause de l'école, et/ou en tant que citoyens prisonniers de leurs carcans professionnels, sociaux, culturels, émotionnels…, d'où… : dépressions latentes ou

manifestes, résignations, colères, replis communautaires…18  
3. Impasse politique : dans nos démocraties, malheureusement encore très immatures et largement dominées par l'impossibilité de prévoir les réactions de l'opinion publique aux annonces et manipulations du système médiatique, nos élus nationaux et territoriaux, qu'ils se réclament de droite ou de gauche, s'ils veulent accéder au pouvoir puis s'y maintenir, ont intérêt à jouer le jeu électoraliste de leurs leaders politiques, notamment en matière d'éducation. En France, les réformes lancées dans ce domaine étant souvent à courte échéance, se prêtent mal à l'évaluation objective sur la durée ; les élus ont donc tendance à préférer les effets d'annonces à court terme, aux réels efforts de synthèse à plus long terme, fondés sur la consultation véritable, sincère et approfondie de tous les acteurs impliqués ; les quelques consultations portant sur le système éducatif, restent encore très partielles quant aux thèmes abordés et aux acteurs interrogés qui alors, ne manquent pas de défendre leurs intérêts corporatifs immédiats qui, dans l'état actuel d'incompréhension, de confusion et de blocages, sont souvent irréconciliables.

 

Un scénario pour l'avenir de notre système éducatif

Dans ce contexte, seule une initiative issue de la société civile, défendant un projet novateur et cohérent à moyen-long terme, prenant le temps de vaincre, sans échéance électorale, les inévitables résistances corporatives par la seule force de débats constructifs et patients, peut espérer faire boule de neige, après avoir démontré sa faisabilité. Nos élus pourront alors choisir de l'appuyer ouvertement ou d'en faciliter plus discrètement l'expansion.

Or en France depuis l'an 2000, des seuils ont été franchis, décisifs dans le cadre de ce projet :

1. Les 35h de travail hebdomadaire, applicables désormais à l'ensemble des salariés 19.
2. La généralisation d'Internet très haut débit en accès illimité, à des tarifs à la portée de tous.
3. Les prix et performances des ordinateurs personnels, tablettes et autres smartphones, mais aussi des imprimantes couleur, qui ont évolué très favorablement.                                    

Viennent s'y ajouter des évolutions aux origines plus anciennes :

1. L'allongement important et régulier de l'espérance de vie de chaque citoyen(ne).
2. La baisse de la durée et de la pénibilité des transports (à distance égale) ; de même pour les tâches et travaux domestiques, grâce aux nouveaux équipements, machines et outils disponibles au sein des foyers depuis les 30 glorieuses, et au meilleur partage des activités entre sexes, impulsé par le mouvement des femmes. En plus des 35h, cela accroît les temps de loisir, permettant plus facilement à chaque adulte d'étudier à domicile.
3. Le progrès continu des sciences cognitives, désormais aptes à nous rassurer sur la capacité des adultes à étudier et progresser intellectuellement tout au long de leur vie.

Toutes ces évolutions nous obligent à repenser globalement notre système éducatif et d'une façon beaucoup plus radicale qu'on ne le fait généralement aujourd'hui 20 :

1. La baisse du temps de travail hebdomadaire devrait permettre de lever désormais le tabou qui veut que la formation des adultes en cours d'emploi soit prise en grande partie sur le temps de travail ; c'est un obstacle aux possibilités de négocier un nouvel abaissement de ce temps de travail, et à l'énorme développement dont la formation continue a besoin dans nos sociétés modernes. Ce tabou pourra être levé au fur à mesure qu'un nouveau système de formation des adultes accessible à domicile se révèlera plus efficace et moins ségrégatif que le système actuel.

Or, ce nouveau système est aujourd'hui à portée de main grâce à la démocratisation de l'informatique personnelle et d'Internet très haut débit : une grande encyclopédie thématique modulaire 21 peut être progressivement construite, avec beaucoup de soin sur la base de ce qui existe déjà, puis proposée au public via Internet ; ses modules, intégralement téléchargeables, consultables à l'écran et imprimables, pourront être croisés avec un dictionnaire encyclopédique (tel Wikipédia) ; des réunions, portant chacune sur un seul de ces modules, seront organisées régulièrement (avec pré-réservation et prise de rendez-vous sur le site de diffusion, en fonction de la demande) dans des amphithéâtres universitaires, en présence de l'auteur du module concerné, afin qu'il puisse répondre directement (sans exposé introductif) aux questions posées par les apprenants ; s'il veut tirer le meilleur profit de la rencontre, le public devra au préalable avoir étudié et annoté le module, individuellement à domicile ou par petits groupes ; par ailleurs, un processus de validation hors ligne (pour éviter la fraude), rejouable sans limite (comme pour le permis de conduire), ainsi qu'une consultation de cette validation, devront être mis en place, pour permettre à chaque utilisateur de visualiser ses résultats sur le site (via un code secret) et d'apporter s'il le souhaite, aux employeurs voulant utiliser le système pour embaucher, la preuve des modules qu'il a déjà maîtrisés et validés.

2. Un autre tabou pourrait être levé, celui du financement : le système devrait rapidement atteindre l'autonomie financière s'il adopte un modèle économique proche du logiciel libre : les contenus numériques étant difficiles à protéger contre la copie, tant vaut-il les offrir en ligne gratuitement 22 puis financer le système via les rencontres prévues hors ligne avec les auteurs ; des regroupements de 100 à 300 personnes (suivant la nature et le succès du module) versant chacune son écot (le prix d'une séance de cinéma, par exemple), peuvent aisément assurer la rémunération des auteurs, couvrir leurs frais de déplacements, ceux liés à l'utilisation des amphithéâtres, à la gestion générale du site Internet…; ce qui ne coûterait guère chaque année à l'utilisateur moyen que l'équivalent d'une inscription universitaire actuelle ou de l'achat de quelques manuels papier. De plus, le seul capital nécessaire, une fois le site construit, étant de nature cognitive et non financière, le projet est théoriquement à l'abri de la concurrence des capitaux industriels et financiers ; cette caractéristique le rend tout à fait compatible avec l'économie sociale et solidaire, qui pourrait y trouver une nouvelle opportunité de développement.

Au fur et à mesure que ce projet renforcera sa crédibilité comme alternative à la formation actuelle des adultes, il devra s'articuler avec la formation initiale : (re)distribuer les missions et (re)définir la collaboration avec celle-ci (en termes d'exigences, de contenus, de méthodes, outils, validations…). Ceci devrait grandement réduire par l'aval la pression compétitive qui mine aujourd'hui l'enseignement secondaire et y rendre rapidement caduque l'orientationsanction ; évolution qui pourrait se faire sans diminuer l'effectif des enseignants, si l'on (ré)intègre dans les missions de la formation initiale, l'actuelle formation première différée 23 des adultes ; mais aussi, s'effectuer sans niveler par le bas le travail des meilleurs élèves qui, dès l'âge de 14-16 ans, aidés par leurs professeurs et sans être séparés de leurs camarades, pourraient commencer à utiliser la nouvelle grande encyclopédie thématique modulaire 24. Ceci devrait créer une émulation non compétitive entre élèves et les inciter à une coopération solidaire entre niveaux. C'est en fait l'idée d'un lycée unique (prolongeant le collège unique), mais avec des moyens sans précédents pour personnaliser, différencier et diversifier l'enseignement proposé aux élèves, qui ne seront plus, dès lors, obligés de subir l'humiliation d'un tri-sanction trop précoce.
                                         
Nous pouvons ainsi espérer progressivement faire des lycées [et collèges] de véritables maisons des savoirs, de la citoyenneté et de [la préparation à] la formation [continuée] tout au long de la vie 25. La spécialisation professionnelle pourra alors, au besoin, être différée à l'âge adulte, sur la base de ce nouveau système de formation modulaire réellement continue, équitable et soutenable tout au long de la vie, organisé en alternance à temps plein, entre une semaine de travail effectif de 35h (qu'on peut espérer, dans ce nouveau contexte, faire progressivement tomber à 32, voire 30h) et 5, 10, 20h ou plus…, passées à domicile (seul ou en petits groupes) à étudier, au rythme de chacun, l'enseignement des meilleurs auteurs dans tous les domaines souhaités ; alternance qui, lors des rencontres avec ces auteurs, verra le riche feedback d'un public intergénérationnel très impliqué, nourrir une nouvelle et puissante interaction entre théorie et pratique. Cette organisation innovante créera du lien social hors ligne (via les groupes de travail et lors des déplacements pour rencontrer les auteurs) et en ligne (via le site de l'encyclopédie). Les universités et grandes écoles pourront expérimenter le système avec prudence et, en cas de succès, repenser leurs missions afin de s'articuler plus largement et harmonieusement à celui-ci.

À terme, la sortie de crise de notre enseignement initial, résultera du caractère diversifié, optionnel et non sélectif, des très nombreux domaines théoriques et pratiques explorés dans cette école-marchepied, afin de motiver, encourager et accompagner avec bienveillance tous les élèves dans leur apprentissage des outils et méthodes d'accès aux savoirs (le socle : lecture, écriture, expression orale, informatique et mathématiques courantes). Il faudra alors s'assurer que ces moyens d'accès soient bien maîtrisés par chaque jeune, avant de le laisser complètement entrer dans la vie active et utiliser régulièrement, tout au long de sa vie, le nouveau système de formation des adultes, en confronter les acquis à ses pratiques sociales, professionnelles, citoyennes…, afin de les transformer en compétences opérationnelles ; dès lors, il ne pourra plus stagner professionnellement, socialement…, ni s'enfermer dans le dangereux ressentiment d'avoir raté ses études et peut-être… sa vie !

Dans ce nouveau système éducatif, ce sont les élèves les plus en difficulté qui demeureront le plus longtemps en formation initiale (en effectuant de plus en plus de stages en emploi réel) ; ceux qui étudient plus facilement pourront en sortir définitivement plus tôt, et rejoindre une vie active professionnelle, sociale et citoyenne optimiste, alternant activités rémunératrices et études hors temps de travail au meilleur niveau. Chaque citoyen(ne) progressera ainsi tout au long de sa vie et pourra goûter à une aventure humaine valant enfin la joie d'être vécue !

Cette profonde (r)évolution du système éducatif, qui commence à peine à émerger, nécessite que toute la société civile désirant continuer à apprendre au meilleur niveau tout au long de la vie, se mobilise rapidement et massivement pour hâter le processus et faire surgir un autre type de formation professionnelle et citoyenne des adultes, réellement accessible à tou(te)s, à tout âge, après une formation initiale enfin apaisée, bienveillante, progressivement repensée pour ne plus servir que de marchepied à la nouvelle formation continuée, vraiment ouverte et permanente. On pourra alors parler pleinement de société civile apprenante.
                                         
Conclusion

L'autonomie financière du projet sera le meilleur garant du renouveau de nos démocraties, ajoutant aux 4 pouvoirs existants (législatif, exécutif, judiciaire et médiatique, théoriquement indépendants) un 5ème pouvoir réellement indépendant : celui de la société civile apprenante, nouvelle opinion publique émancipée, mature et sereine, à l'abri des manipulations politicomédiatiques ; celui du peuple-philosophe et souverain, seul véritable antidote aux arguments de Platon en faveur des rois-philosophes et de l'oligarchie des gardiens de la République 26. Nous pourrons ainsi contrer la lente et inquiétante avancée de tous les extrémismes politiques et religieux et asseoir solidement nos écolo-social-démocraties. Or, par une chance quasiinespérée, qu'il ne faut surtout pas manquer de saisir, cette nouvelle société civile apprenante n'est pas loin de pouvoir surgir et s'épanouir au sein de nos démocraties modernes, si nous mobilisons et fédérons toutes nos intelligences et nos énergies, afin de repenser globalement et de reconstruire progressivement notre système éducatif autour d'Internet.

 

Pour atteindre cet objectif ambitieux, il faut encore que les intellectuels les plus soucieux de l'avenir de la planète et de l'espèce humaine (à commencer probablement par ceux des pays dits avancés) acceptent de mettre de côté leurs postures (professionnelles, médiatiques…), leurs préjugés (politiques, culturels, émotionnels…) et adoptent une attitude constructive (non uniquement déconstructive) afin que puisse s'amorcer l'indispensable réconciliation de tous les progressistes autour de ce projet d'auto-émancipation sociétale.

Au plan écologique, la meilleure éducation des jeunes et des adultes devrait bientôt limiter les achats compulsifs, le gaspillage, l'empreinte carbone, les autres pollutions…, et engendrer une sobriété et un sens des responsabilités environnementales salvateurs. Les chercheurs et experts qui mettront leurs savoirs et leurs talents au service de ladite grande encyclopédie thématique modulaire 27, s'assurant pour les meilleurs, un revenu très correct (pour un nombre limité d'heures d'intervention auprès du public), seront ainsi moins soumis au devoir de réserve et pourront, sans aucun conflit d'intérêts, donner leur avis sur les problèmes environnementaux et les solutions à leur apporter.

Par ailleurs, du point de vue paléoanthropologique, cette société apprenante peut être perçue comme l'émergence de la 4ème phase du lent processus d'hominisation 28, après celles du paléolithique, du néolithique et de la société industrielle 29.
                                         

Marc Paraire

 

 

1  Ce texte actualise un article écrit pour les Assises Nationales de l'Education, réunies à Bobigny le 5 juin 2010. Les notes de bas de page n'ont pas toutes été mises à jour, mais nous semblent, pour l'essentiel, encore pertinentes.

2 Allusion à l'anecdote de l’homme qui, rentrant la nuit chez lui, ivre et ayant perdu ses clés, les cherche au pied d'un réverbère, non parce qu'il les a perdues là, mais parce que là, au moins, il y a de la lumière !

3 Cf. L'éducation, un trésor est caché dedans, p.17 : Jacques Delors y emploie pour sa part, les termes : éducations première et permanente ; cette dernière n'a pourtant jamais été, à ce jour et à proprement parler, ni permanente, ni continue et elle inclut depuis les débuts une part importante d'éducation première différée à l'âge adulte, ce qui rend plutôt confuse la terminologie utilisée à ce jour.
 4 Au 19ème siècle, il n'était pas rare que les ouvriers soient employés plus de 70h par semaine. En France, ils ont travaillé plus de 40h jusqu'en 1978 (malgré les accords Matignon de 1936 sur les 40h et bien que la durée moyenne annuelle du travail ait baissé de 30% depuis 1950 - cf. INSEE 1ère, n° 1273 janvier 2010), puis 39h à partir de 1982 et 35 depuis 2002 (généralisation de la 2ème loi Aubry), jusqu'à ce que ces acquis soient récemment remis en cause ! 

5 De nos jours, la plupart des jeunes terminent le collège, 72% accèdent au niveau bac, 64% le réussissent, la moitié accèdent au supérieur et environ 40% y obtiennent un diplôme (cf. L'état de l'école n° 19, oct. 2009, pp. 5 à 7).

6 Cf. La Reproduction, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Minuit, 1970.

7 Le plus valorisant pour les élites et leurs enfants, le plus facile à évaluer, mais au moyen d'un système de notation discriminant et manquant d'objectivité (cf. La constante macabre, André Antibi, Math'Adore/Nathan, 2003).

8 17% des jeunes sortent encore de formation initiale sans diplôme, à 15 ans 22% lisent mal, 8,5% très mal, et l'écart se creuse selon l'origine sociale, entre les catégories les plus éloignées (cf. L'état de l'école n° 19, oct. 2009, p. 33).

  9 En 2008 en France, la part de la formation continue et extrascolaire dans la dépense intérieure d'éducation était en baisse et se situait à 9,7%, principalement supportés par les entreprises à 45,5% et l'État à 26,8% (cf. ibid. p. 70).

10 Parmi les salariés et indépendants, les cadres (60%) et professions libérales (59%) en bénéficient le plus. En 2006, 64% des salariés diplômés au delà de bac+2 y ont accédé, contre 24% des salariés sans diplôme (cf. ibid. p.70).

11 Dont le projet de CPA (Compte Personnel d'Activité) qui limite les droits de formation acquis à seulement 40h/an !

12 Lutte contre l'illettrisme, (re)mise à niveau… pour les anciens décrocheurs, chômeurs longue durée, immigrés, gens du voyage…; il s'agit en fait ici, plus de formation initiale différée à l'âge adulte, que de formation continu(é)e.

13 Formations en informatique, gestion, organisation… promotions et reconversions professionnelles…, dans la limite des fonds collectés à cet effet et des quotas prévus pour libérer le personnel concerné pendant les heures de travail.

14 Cf. L'élitisme républicain, Christian Baudelot et Roger Establet, Seuil, 2009.

15 Cf. Enseignement : équation insoluble ?, François Dubet, Politique, juin 2009.

16 53%, contre 7% en Finlande, d'après : Déchiffrer la société française, p.132, Louis Maurin, La Découverte 2009.

        17 Cf. l'enquête Enseigner en collège et lycée en 2008, l'E.N. sans rêve ni moteur, Luc Cédelle, Le Monde, 24/11/09.

18 Que les industries du divertissement, des antidépresseurs, de la remise en forme…, et les intégrismes religieux, culturels et/ou politiques, s'empressent d'exploiter ou d'instrumentaliser !

19  À notre avis, les attaques contre les 35h, subies depuis la 1ère écriture de ce texte, ne sauraient freiner durablement la tendance séculaire à la baisse du temps de travail, fruit des progrès incessants de la productivité et de la nécessité écologique de limiter la production matérielle ; à condition, bien sûr, que tous les progressistes de la planète s'unissent pour promouvoir, avec calme et fermeté, la pertinence de cette baisse.

          20 En France, les universités et grandes écoles ont pris l'initiative de se lancer, fin 2013, dans les MOOC (Massive Open Online Courses) et de se regrouper sous le sigle FUN (France Université Numérique), récemment rebaptisé Sup-Numérique (cf. le site : http://www.sup-numerique.gouv.fr/). Hélas, on s'aperçoit vite que rien (ou presque) n'y a été réellement conçu pour faciliter au maximum la tâche aux adultes actifs : inscriptions préalables, sessions d'enseignement, validations des acquis et regroupements prévus hors ou en ligne à dates fixes, sans tenir compte de la disponibilité des apprenants, cours magistraux filmés plutôt qu'écrits… bref, la routine universitaire ! Ce manque d'innovation socio-éducative côté offreurs n'a rien d'étonnant : s'ajoute probablement au problème du financement, la peur qu'en jouant à fond le jeu de ces technologies et pratiques très ouvertes, l'énorme besoin côté demandeurs ne déstabilise le fonctionnement et donc le statut de ces institutions, certes respectables et utiles, mais encore trop socialement et pédagogiquement élitistes (souvent à leur corps défendant), fonctionnant en trop faible rétroaction avec leurs étudiants qui, en formation initiale pour la plupart, sont plus préoccupés par l'obtention rapide de leurs diplômes et concours que par l'approfondissement des connaissances (en interaction avec les enseignants, autres étudiants et professionnels non universitaires des domaines étudiés). Si l'université veut vraiment s'ouvrir à tous les apprenants potentiels, elle devra réussir à s'adapter aux contraintes et besoins de tou(te)s les citoyen(ne)s !

21 Version moderne de l'Encyclopédie de Diderot-d'Alembert, ses modules, d'environ 100 pages chacun, organisés de façon buissonnante, préciseront les pré-requis, passerelles et progressions possibles ; richement documentés (liens Internet, courtes vidéos et animations pédagogiques, photos, dessins, tableaux…, au besoin interactifs), ils offriront de plus à l'utilisateur l'avantage d'une gestion différentielle de leurs mises à jour (corrections, actualisations…).

  22 En les accompagnant systématiquement d'un dépôt légal fixant leur antériorité, afin de pouvoir ensuite contrer facilement tout plagiat, utilisation malveillante ou commerciale non autorisée, citation mal ou non référencée…

23 Cf. page 1, note 3.

24 Sur la notion de modules, testée dans le secondaire au CEFP d'Alembert, cf. l'article : Les modules à la finlandaise, expérimentés en Seine-et-Marne sur 4 années scolaires depuis 2004, Marc Paraire, revue A&E, 2009, n° 211-212. Le texte n'étant plus disponible sur Internet, peut être obtenu sur simple demande adressée par mail à l'auteur.

  25 Cf. Lycées : changer de logiciel !, C. Duflot, M-C Blandin, P. Meirieu, Le Monde.fr du 11/12/09. Nota bene : les ajouts entre crochets […] sont de l'auteur !

  26 Cf. La République, Platon, Livre VIII (545c - 576b).

27 Cf. page 5 et note 21.

28 Parler d'humanisation nous semble ici inapproprié : ce terme ne retrouvera tout son sens et sa légitimité que lorsque la société apprenante aura permis à l'homo-sapiens de surmonter le processus d'autodestruction environnementale et sociale auquel il est aujourd'hui confronté, et de devenir un véritable être humain solidaire de ses semblables et respectueux de sa planète.

29 Si l'on considère que le néolithique, période dominée par l'activité agricole, ne s'est réellement achevé qu'avec la 1ère révolution industrielle, voire même, selon le philosophe des sciences et académicien Michel Serres, qu'après la 2de (et espérons, dernière !) guerre mondiale.

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